Victor Vaissier, fabricant de savon du Nord de la France, se disant prince du Congo, rêvait de se faire construire une demeure digne de ses rêves extravagants. Il ne supportait plus de vivre entouré des murs noircis de l'usine de la rue de Mouvaux à Roubaix.

Il décida de faire appel à l'architecte Edouard Dupire-Rozan et lui donna quelques directives : un château d'une allure majestueuse et originale, prenant la forme et le style d'un édifice oriental, surmonté d'un grand dôme garni de vitraux. Le château fut réalisé en 1892 sur un parc d'une superficie de cinq hectares, s'étendant de la rue de Mouvaux à l'avenue Grau et de la rue du Congo jusqu'au canal. La vue ci-dessous, une des rares qui soient colorisées, nous montre la richesse chromatique assez proche de la réalité.



En 1923, à la mort de Vaissier, sa famille propose de vendre le château à la ville de Tourcoing, qui refuse. En 1925, Mr Deconninck, entrepreneur de spectacles, le rachète. Il envisage plusieurs projets, mais aucun ne sera réalisé. En 1929, le château est démoli. La propriété, divisée entre les associés, est lotie et les différentes parcelles vendues en terrain à bâtir.


Un château mauresque



Le château Vaissier se composait d'un hall d'entrée d'une surface de 100 m² surmonté d'une vaste verrière. Ce hall était le centre des pièces de réception : salon japonais, salle à manger Renaissance, salon indien, salle à manger indienne, salon mauresque, salle à manger mauresque.



Le rez-de-chaussée et le sous-sol, qui abritait plusieurs caves à vin, à charbon, à nourriture, une salle de jeux, une cuisine, une buanderie et les communs, couvraient chacun une superficie de 985 m². Un monumental escalier de marbre rouge menait à l'étage où l'on trouvait les chambres du prince du Congo, de sa femme et de ses filles ainsi que celles des bonnes.



Dans l'une des tourelles se trouvait la salle de billard. Le palier de l'étage était éclairé par un magnifique vitrail représentant le Congo tel que Vaissier l'imaginait. Par une tourelle, on accédait aux terrasses qui surplombaient la construction. Elles étaient agrémentées de plusieurs kiosques.



Le parc, d'une superficie de 5 hectares, était entretenu par une équipe de jardiniers. Le chef était logé dans le pavillon qui subsiste à l'angle de la rue de Mouvaux et de la rue du Congo. Au fond de la propriété, se trouvait la sellerie. Les deux pavillons d'entrée qui subsistent et font maintenant partie de deux maisons particulières présentent des toitures de forme différente : toit en terrasse pour le pavillon du jardinier au n° 2 et toit en bulbe au n° 20. Chacun des pavillons s'orne d'un porche d'entrée fermé par une grille.



A Roubaix ou à Tourcoing ? Et même à Mouveaux !

Les nombreuses cartes postales du château du Congo de Victor Vaissier, le situe tantôt à Roubaix, tantôt à Tourcoing. Ce bâtiment mauresque était en fait situé à la limite des deux villes qui chacune le revendique ! 
Il existe même des cartes le plaçant à Mouveaux, avec l'orthographe de l'époque (actuellement Mouvaux).




Le château Vaissier, un incroyable palais édifié dans le quartier du Blanc Seau

Parures de rêve qui se reflètent au vaste bassin où glissent les cygnes dans un magnifique jardin entretenu par Jules Willem... Cinq hectares surprenants entre Mouvaux, Tourcoing et Wasquehal.


En 1887, Victor Vaissier, visionnaire et créateur, homme exceptionnel, hérite d'une petite savonnerie qu'il développe avec ses frères. Il invente la légende du savon des « princes du Congo », le premier savon parfumé et soutient son produit avec de la « réclame ». Philanthrope, il met sa fortune au service des ouvriers.

Victor Vaissier souhaitait que sa demeure repose sur quatre éléphants pour rappeler l'image de la savonnerie, mais l'architecte lui a fait renoncer à ce projet non réalisable. En 1914, la guerre éclate et pulvérise son rêve. La demeure devient l'état major de l'armée allemande. 


En 1929, la destruction arrivera et la propriété sera morcelée en parcelles de terrains à bâtir. Il ne reste que deux petites maisons de cette œuvre grandiose et le nom de la rue du Congo pour laisser briller encore quelques étincelles : la maison du jardinier, à l'angle des rues de Mouvaux et de Wasquehal, et cent vingt mètres plus loin, celle du concierge, au 20, de la rue de Mouvaux.

Le dôme de Michelin



Ce château monumental emblème des affaires prospères de Victor Vaissier s'étalait sur une superficie de 1 200 m² habitables avec 600 m² de terrasse supérieure. 

 

C'était la plus vaste demeure privée du Nord de la France. 

 

Cette construction possédait sa propre usine d’électricité pour faire briller la nuit son dôme de verre de 35 m de haut, un dôme de verre construit par Michelin ! 

 

A l'époque André Michelin, âgé de 39 ans, était ferronnier industriel avant de se lancer dans l'aventure du pneumatique.



Des centaines de cartes postales










Le palais dans son environnement



Cette vue montre le château Vaissier, au loin dans la rue de Mouvaux, depuis le carrefour où était installé l'octroi de Tourcoing visible sur la gauche. En face de l'octroi le café " A l'ancienne belle vue " avec sa salle pour fêtes noces et banquets.


Ci-dessus : le même point de vue à un siècle et demi d'écart ! Le seul point de repère évident est l'ancien estaminet, devenu maison particulière, à l'angle de la rue de Mouvaux. A  cet emplacement il n'y plus de pont tournant et la chaussée surplombe les deux axes parallèles que sont la voie rapide et le canal sur lequel ne passe plus aucune péniche.


Le château Vaissier était situé non loin du canal et du pont de Mouvaux. La vue ci-dessus est prise dans la même direction que la précédente, le photographe a simplement traversé le canal. Le pont de Mouvaux était un pont tournant avec une passerelle qui permettait aux piétons de passer durant la manœuvre de celui-ci.



Sur ce cliché, pris au même endroit, le photographe a saisi le passage d'un tramway. Le dôme du palais du Congo est bien visible dans l'axe du pont.



Cette autre vue permet d'apprécier la proximité de la voie d'eau par rapport au parc du château Vaissier. La voie navigable permettait, outre le passage des péniches, la pratique bien agréable de l'aviron.

La mode de l'exotisme


Le Nord-Pas-de-Calais se tourne, dès le milieu du XIXe siècle, vers les outre-mers. De nombreuses marques d’industrie adoptent une identité ultra-marine et entreprennent de vendre rêves et horizons lointains. La société Vrau lance son « Fil au Chinois » ; l’amidon de Valenciennes se trouve une « mascotte créole » ; les parapluies d’Arras convoquent sultanes et beautés orientales. Les Suds sont partout, dans la presse, les affiches murales et les réclames commerciales.

Dans le Nord, l’exotisme est associé à un nom : Victor Vaissier. Dès 1887, il organise des cavalcades mettant en scène le prince du Congo, emblème de sa marque La Savonnerie du Congo. En mars 1887, à Roubaix, défile une Afrique fantasmée au service du « roi Makoko », incarné par Victor Vaissier lui-même. Mais c’est sa résidence qu’il nomme le Palais du Congo, construite en 1892, qui marque l’opinion et laisse les observateurs stupéfaits par l’ampleur de sa réalisation.

La région se tourne également vers l’Empire par d’autres voies, avec par exemple la création à Lille, en 1853, du Musée industriel et commercial et des colonies (puis Musée commercial et colonial en 1884). Ainsi se forme une culture coloniale faite de curiosité pour l’exotisme, de passion pour l’Ailleurs, dans laquelle les représentations du « sauvage » et du colonisé dessinent les contours de l’appréhension inquiète de l’altérité.

Au même moment les premiers travailleurs kabyles arrivent dans les centres textiles de Roubaix ou houillers de Valenciennes ; et les premiers vendeurs ambulants ou dockers africains et asiatiques sont présents dans toute la région et sur le littoral comme à Dunkerque. L’histoire des immigrations coloniales de travail commence alors. À la suite de la série de catastrophes — et plus spécifiquement celle des Mines de Courrières en 1906 où meurent plus d’un millier de mineurs —, ils sont quelques centaines à travailler dans le bassin minier et la Sambre industrielle. Les centres miniers du Valenciennois, de Courrières, d’Anzin, de Liévin et de Drocourt, les villes de Roubaix, Tourcoing ou Maubeuge accueillent ces « primo-émigrés » qui préfigurent les filières d’émigration des travailleurs maghrébins de la génération des années 50-60.

Extrait de : " 1870 - 2008, Nord Pas-de-Calais porte des suds "

Les cavalcades


Les frères Vaissier inventent le street-marketing, bien avant l'heure.

Ils font venir un éléphant de Belgique, l’affublent aux armes de la savonnerie, passent leurs employés au savon noir et les couvrent de plumes. C’est un cortège époustouflant qui parcourt les rues de Roubaix. Des nègres d’opérettes cornaquant l’éléphant et distribuant des échantillons de savonnettes chantent à tue tête “ avec le savon du Congo, vous ne ressemblerez plus à un négro  !!! ” Le succès et la fortune sont assurés.



Ce sont aussi les inventeurs des “ Cavalcades roubaisiennes ”  : ces manifestations ludico-commerciales. Celles de 1903 ont en partie financé la construction de l’hôpital de Roubaix. 



20 000 figurants déguisés entourant les chars de toutes les corporations. Des “ trains de plaisirs ” bondés de Parisiens venant, à Roubaix, assister à ces délires. A chaque événement, Victor Vaissier invente un nouveau savon, un nouveau parfum sous la marque des “ Princes du Congo ” avec l’éléphant pour emblème.


Eugène Motte, industriel et maire de Roubaix en 1903, renforce le contrôle des manifestations populaires et organise la célèbre cavalcade de 1903, à l’occasion de la pose de la première pierre du nouvel Hôpital de la Fraternité. Organisée sur le modèle du défilé publicitaire de 1887, mis en place par le célèbre et richissime savonnier Victor Vaissier, le public nombreux peut admirer le cortège des Géants du Nord et des différentes corporations et sociétés de Roubaix.



Les noces congolaises

Ci-dessus, à droite : au pied du château Vaissier, les 18 reines de grâce et de beauté de la cavalcade de 1903 (publiée dans la Vie Illustrée). A gauche : Victor Vaissier déguisé en roi Makoko pour la cavalcade Le Congo à Roubaix en 1887 (fonds Nord Eclair).

Ci-dessous : le char de l'alchimiste dans le parc du château Vaissier.

Les pavillons du concierge et du jardinier


Le château de Victor Vaissier fut détruit en 1929 et il ne subsiste aujourd’hui que la maison du concierge et du jardinier.


La maison ou pavillon du jardinier est situé à l'angle de la rue de Mouvaux et de la rue du Congo prolongée.


Comme pour l'autre pavillon, l'entrée du pavillon du concierge se fait par la rue de Mouvaux. Elle est munie d'une superbe grille ouvragée en fer forgé.




Ces deux pavillons, qui ont survécu car situés en front à rue, nous donnent un faible aperçu de la splendeur de ce somptueux bâtiment qu'était le Palais du Congo.


Des céramiques dues à l'entreprise monsoise Delgutte sont encore visibles, ainsi que quelques pierres vernissées et des cabochons.