La folie du château Vaissier


Le château Vaissier à Tourcoing : histoire d’une folie

Publié le 19/11/2013 par Isabelle Dupont dans Nord Eclair

Gilles Maury sort un livre sur l’histoire du château détruit en 1929. La maison du jardinier est en vente. Ne subsistent plus aujourd’hui que le pavillon du jardinier et celui du concierge.


Alors que la pavillon du jardinier est actuellement en vente, sort en librairie «  Le château Vaissier, palais orientaliste d’un savonnier de Roubaix  », ouvrage de Gilles Maury, architecte et docteur en histoire de l’architecture.

Ce chercheur a fait de l’histoire hors normes de ce château sa thèse de doctorat et sort une version grand public. Fascinante. Une enquête de grande ampleur. Une gageure alors qu’il n’existe aucune archive, ni de l’architecte, ni du commanditaire et que l’édifice en question a été démoli en... 1929  !

C’est donc à un véritable travail d’archéologue que s’est livré Gilles Maury. Ainsi, il ne restait qu’un seul plan du château, même pas à la bonne échelle. «  On n’avait aucune idée de ses dimensions réelles  », confie l’auteur. Grâce à d’autres documents d’archives, l’architecte a redessiné les plans de ce château de 1200 m2 habitables.

Depuis sa construction vers 1892, l’œuvre, que l’on doit à l’architecte roubaisien Édouard Dupire-Rozan, alimente toutes les rumeurs et est objet de fascination.

Venu de sa picardie natale faire ses études à Lille, Gilles Maury n’a pas échappé au phénomène. «  J’ai constaté que peu d’édifices dans la métropole hormis la villa Cavrois ou l’hôtel de ville de Lille avaient joué un rôle important dans l’histoire de l’architecture mondiale. Le château Vaissier était l’un d’eux. » Et pour cause. Son intérêt est multiple  : architectural, artistique et historique puisque très lié à une histoire industrielle, celle du savonnier excentrique Victor Vaissier. «  Et comme le château a été rasé, c’est pire, il fascine encore plus. » Au départ, l’étudiant se met à collecter des cartes sur le château. De fil en aiguilles, la passion devient si dévorante, qu’il en fait une thèse, soutenue en 2009, au terme de six années de recherches. Un résultat passionnant qu’il souhaite faire découvrir au grand public. Il s’attelle alors à une version pour les éditions Picard, spécialisées sur les questions d’histoire et d’architecture. Quatre années de travail, et un ouvrage dense, sorti mardi dernier, abondamment documenté. La moitié de la centaine d’illustrations qu’il contient provient des archives personnelles de Gilles Maury, le reste d’autres passionnés.

« Une fantaisie calculée »

Au fil de son travail, Gilles Maury en est venu à s’intéresser à l’industriel lui-même, «  un personnage extraordinaire, atypique, pas discret comme pouvaient l’être les patrons du textile. Il avait un goût évident pour l’ostentation et un sens génial de la pub. » Ses défilés avec éléphants dans Tourcoing font partie de la mémoire collective. « Ce palais est l’incarnation architecturale de Vaissier lui-même. C’est un château fait pour être vu, le dôme était éclairé électriquement la nuit.  »

Sur les raisons de sa destruction en 1929, peu d’infos. «  On manque de documents, mais c’était sans doute déjà à cause de la pression immobilière  », explique Gilles Maury. Cinq hectares de parc en plein cœur de Tourcoing, une demeure difficile à entretenir... Le propriétaire qui fait démolir n’est autre que celui qui possède déjà le Fresnoy, Jean Deconinck et qui siège au conseil municipal. Il acquiert le château en 1925. «  On a traces d’une exploitation un peu commerciale  : ventes de tapis, quelques banquets. Il fait construire le Colysée à la même époque, donc il n’est pas impacté par la crise, c’est plus un problème de mode et d’entretien  », estime le chercheur.

Les rumeurs

Le château et plus encore sa destruction, ont fait l’objet de maintes rumeurs. La municipalité de l’époque se serait portée acquéreuse. «  Faux  », rétorque Gilles Maury, qui a épluché chaque compte-rendu de conseils municipaux de l’époque. Pourtant dès sa construction, l’édifice est considéré comme un bâtiment exceptionnel, «  c’était le seul dôme en verre en France, appartenant à un propriétaire privé.  » Exceptionnel aussi dans les dimensions, la réalisation et le luxe à l’intérieur : dorures, vitraux, éclairage à l’électricité et au gaz, «  un style quasi-éclectique qui a étonné les contemporains.  » D’ailleurs le Congrès national des architectes s’y est réuni en 1897, et des guides de la région le mentionnaient dès la fin du XIXe siècle. Les curieux s’y seraient sans doute pressés comme à la Villa Cavrois. Dommage.

La maison du jardinier est à vendre

De ce fabuleux palais ne subsiste plus que le pavillon du jardinier et celui du concierge.

C’est le premier qui est en vente depuis quelques mois, au prix de 329 000 euros. Une maison de 90 m2 avec trois chambres et un extérieur d’environ 300 m2.

Le bâtiment est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, ce qui est moins lourd qu’un classement, mais reste néanmoins contraignant.


L’architecte a visité, «  C’est tout petit, mais très bien construit, c’est de la pierre massive de Lezennes dans la cave, c’est fait pour durer des siècles, y compris les volets roulants dont certains datent du XIXe siècle  », confie le spécialiste qui a bien sûr visité les deux pavillons. «  En ce qui concerne le château, ils nous indiquent une partie de la polychromie et la qualité de la construction .  »

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Article paru dans Lille -Métropole