Delgutte


Deux articles (reproduits ci-dessous) sont parus, le 15 septembre 2010 et le 17 avril 2011, dans La Voix du Nord sous la plume d'Alain Cadet, en rapport avec l'édition de l'ouvrage consacré aux Delgutte, écrit par Gilles Maury.

ISBN : 978-2-9515562-2-5
Prix de vente : 25 €
Dépôt légal : mai 2011
DELGUTTE Stucateurs et céramistes
Lille - Mons-en-Barœul
1873 - 1936


L'article du 15 septembre 2010


« Les Delgutte », c'est le nom d'une grande famille de céramistes. Désormais ce sera aussi le titre d'un livre.

Gilles Maury est à la fois architecte libéral et enseignant-chercheur à l'école supérieure d'architecture de Villeneuve-d'Ascq. Titulaire d'un doctorat, il a soutenu sa thèse très récemment (2009) sur le thème du château Vaissier.

Victor Vaissier, fabricant de savon, mais qui se disait prince du Congo, avait fait construire en 1892, à Tourcoing, une demeure orientale digne du Taj Mahal. Elle fut démolie dans les années 1930, pour céder la place à des lotissements, victime de l'idéologie du modernisme et du profit.

On peut cependant se faire une idée de la beauté de ce bâtiment extravagant à travers les centaines de cartes postales qui l'ont représenté. L'impression d'ensemble, tout à fait extraordinaire tient, pour une grande part, aux céramiques qui recouvrent l'édifice. Elles sont l'œuvre d'une famille monsoise, les Delgutte, des artisans modestes mais connus dans toute l'Europe.




Une thèse sur Delgutte

« Cela faisait déjà pas mal de temps que je m'intéressais aux Delgutte comme protagonistes de ma thèse, confie Gilles Maury. En 2005, je suis venu à Mons effectuer le circuit des maisons de l'architecte Gabriel Pagnerre. J'ai découvert que, non seulement les Delgutte avaient travaillé dans cette ville mais que leur petite-fille effectuait la visite. Ce fut le début de ma collaboration avec la famille. Grâce à elle j'ai pu réunir un grand nombre de documents nouveaux qui ont enrichi mon travail à la fois sur le château Vaissier, qui était ma préoccupation d'alors, et le livre dédié à la famille Delgutte, que j'ai écrit tout récemment. » 

Désiré Delgutte, né en 1844, est un jeune travailleur belge qui franchit la frontière à l'âge de 11 ans. Il s'établit dans la métropole lilloise. Il y exerce d'abord la profession de plâtrier avant de devenir l'apprenti d'Émile Chantry, un sculpteur lillois, ornemaniste réputé. En 1876, il fonde sa propre entreprise. 


Cette céramique qui est visible au 197 rue Jean-Jacques Rousseau à Mons-en-Barœul et qui était situé à proximité des ateliers Delgutte, constitue une véritable publicité. Garantie indéfiniment, c'est toujours vrai plus d'un siècle plus tard.

Sa production d'excellence fut rapidement connue des grands architectes. Louis-Marie Cordonnier fit appel à lui, par exemple, pour réaliser les colonnes en stuc de la chambre de commerce de Lille.



Ces autres céramiques ci-dessus sont toujours présentes sur la maison de Désiré Delgutte au 197 rue Jean-Jacques Rousseau à Mons-en-Barœul. Celles ci-dessous se trouvaient sur le mur ouest, et sur le mur de la maison, situés à proximité de la grande céramique.




« Désiré était particulièrement doué, commente Gilles Maury, toute sa vie, il a inventé des procédés nouveaux et déposé des brevets. Tantôt, c'était un procédé pour fabriquer des voûtes en plâtre légères et réfractaires, tantôt un nouveau type de briques à parois mortaisées ou bien encore de nouvelles manières de fabriquer le simili-pierre. Il était à la fois inventif, novateur et perfectionniste. » 



Ci-dessus : Photos d'une brique mortaisée, retrouvée en avril 2015, à proximité des ateliers Delgutte au 195 rue Jean-Jacques Rousseau à Mons-en-Barœul (voir page 45 du livre de Gilles Maury). Documents Jacques Desbarbieux - Association Eugénies.


Ci-dessus et ci-dessous : Les autres briques vernissées retrouvées dans la même cloison en torchis à l'occasion de travaux de rénovation d'une maison sise à côté des anciens ateliers Delgutte. A noter les inscriptions faites à la peinture noire sur les briques. La blanche, qui a ses deux faces vis-à-vis vernissées, et qui est mortaisée sur une face, est numérotée 26 27, la noire et la bleue ont deux faces angulaires vernissées, la noire porte le nombre 1302 et la bleue le nombre 1453. Elles mesurent 21 x 10 x 6 cm, avec un centimètre de moins dans chaque dimension par rapport au format adopté par la Société des Architectes du Nord de la France.



Céramique architecturale

René et Georges, ses deux fils, vont continuer le métier. Créatifs, ils montrent le même souci de la qualité et du détail. Le stuc et le simili-pierre sont remplacés par la céramique architecturale qui connaîtra son âge d'or à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Ces produits en terre cuite émaillée, sont posés rapidement, faciles à reproduire et d'un grand effet visuel. Elles ornent les façades des usines et des demeures du Nord et d'ailleurs : le château de Flixecourt dans la Somme, un magnifique hôtel particulier (aujourd'hui ambassade du Maroc) dans le 16e arrondissement de Paris et, bien entendu, le Palais du Congo à Tourcoing.



Ci-dessus (en vue générale) et ci-dessous (en détails) : Ces carreaux en céramiques sont toujours présents à l'intérieur de la maison de Désiré Delgutte au 197 rue Jean-Jacques Rousseau à Mons-en-Barœul. On pense que ce décor champêtre évoque le pays natal.



Des méthodes de travail de l'atelier Delgutte, rue Jean-Jacques Rousseau, il ne reste quasiment rien. Reconstituer le puzzle est un véritable travail de bénédictin. C'est avec énergie et plaisir que Gilles Maury s'y est attelé. 

« Ce bouquin est important pour moi, conclut-il. Je voulais rendre compte de l'exceptionnel destin de Désiré et de ses fils. Ils méritent cet hommage. Leur travail est visuel. Il parle tout seul. C'est pourquoi dans le livre il y a beaucoup de photos qui sont très belles. C'est à la fois un livre d'histoire et un livre d'art. » • A. CA. (CLP)

L'article du 17 avril 2011

Les Delgutte, stucateurs et céramistes pose devant une façade de pierre. Cet immeuble, situé au 136 du boulevard de la Liberté, à Lille, a été bâti en 1883. C'est le premier travail important connu de Désiré Delgutte (1844 - 1912), le fondateur de la dynastie des céramistes monsois.

En réalité, cette façade qui n'a pas pris une ride et qui figure parmi les 200 illustrations (jamais publiées) du livre est en simili-pierre. Elle est entièrement en trompe-l'œil et fabriquée dans un matériau qui ressemble au plâtre ou au stuc mais qui est beaucoup plus dur et résistant dans le temps.

Désiré en était l'inventeur et en possédait le brevet.

« Désiré Delgutte était un artisan d'art de grande qualité. Il s'est montré à la fois très inventif et doué d'un sens artistique étonnant, précise Gilles Maury. Son destin est absolument remarquable. Né en Belgique, orphelin à 11 ans, il devient apprenti plâtrier. On le retrouve bientôt en France, chez Émile Chantry, un sculpteur lillois, ornemaniste réputé, dont l'atelier se situait à 100 m de cet immeuble. En 1876, il fonde sa propre entreprise. » 

L'atelier de la rue Jean-Jacques Rousseau, à Mons-en-Barœul, continué par ses fils George et René, ne fermera ses portes qu'en 1955. Le travail des Delgutte va profondément marquer le style architectural des bâtiments du nord de la France dans la période 1873 - 1936.



« Désiré était exceptionnellement travailleur, poursuit Gilles Maury. Sa capacité à innover et à créer des formes nouvelles était étonnante. C'est probablement le seul artisan d'art de son époque qui ait impressionné à ce point le monde des architectes et des bâtisseurs. On lui doit l'hôtel de ville de Solesmes, le château de Flixecourt dans la Somme et beaucoup d'églises de la région (Saint-Vaast à Béthune, la Chapelle d'Armentières, Merville).»

Cette saga de Désiré (le père), de Georges et René (les fils), Gilles Maury l'a racontée dans les 136 pages de son ouvrage qui est à la fois un livre d'histoire et un livre d'art. Il a été servi par l'engouement qu'ont les gens du Nord - Pas-de-Calais pour le patrimoine et beaucoup aidé par les propriétaires (particuliers, bâtiments publics ou religieux) qui lui ont ouvert leurs portes. Il a pu bénéficier du concours de plusieurs photographes de qualité dont chaque photo a demandé parfois plusieurs heures de travail : de la belle ouvrage... comme celle des Delgutte. • A. CA. (CLP)






Ci-dessous : Deux articles parus, en juillet 2002, dans la première lettre de l'AHM, puis un an plus tard en juillet 2003, dans la lettre n° 5 de l'AHM, président fondateur Jacques Desbarbieux.








A Mons-en-Barœul des céramistes et des architectes

Gabriel Pagnerre (voir le site consacré à Pagnerre) qui avait succédé à son père Louis Lucien dans la profession d'architecte, a du connaître la famille des Delgutte stucateurs et céramistes dans la même ville. Si l'emploi de la brique vernissée et des différents élément décoratifs en céramique était fréquent, on ne retrouve toutefois pas de trace de leur collaboration artistique à l'exception d'un seul document reproduit ci-dessous, mais qui concerne des travaux de peinture, en 1921, pour L. Delgutte !




Ci-dessus : La première plaque de l'architecte Gabriel Pagnerre, qui n'existe qu'en 4 exemplaires, dont 3 à La Madeleine et une seule à Mons-en-Barœul. Elle n'aurait étonnamment pas été faite par l'atelier des Delgutte, pourtant situé dans la même ville, mais par le céramiste Coilliot à Lille.